Carnet de bord - Gibraltar - Puerto Calero - Canaries


6 H en ce jeudi 23 janvier. Le réveil se déclenche. La nuit est encore noire. A l'extérieur, les lumières de Gibraltar sont encore à l'oeuvre. Il fait froid dans le carré. Dans un petit quart d'heure, il fera chaud. Sortir de la couette est toujours un moment difficile mais aujourd'hui, c'est peut-être le grand jour.

Une fois le petit déjeuner terminé, nous consultons les Gribs (météo). Hésitations ... Puis, conférence au sommet en compagnie d'Annick et Stéphane l'équipage d'Errance qui, scotchés depuis plus longtemps que nous, a hâte de mettre les voiles. Finalement, l'option départ est validée. Nous risquons fort d'avoir quelques surprises vers les Canaries mais le positif l'emporte. Nous partons.

9 H nous nous retrouvons à la capitainerie pour régler le port et c'est parti.

Il fait grand soleil. Premier arrêt d'Adélie, les pompes du rocher. Le plein du réservoir et des jerricans sont faits à 0,82 E le litre de gasoil, la facture fait moins mal.

Puis, c'est le véritable départ. Cargo, tankers et autres géants des mers n'encombrent pas trop la baie et nous sortons facilement suivis par d'Errance. Premier grand plaisir. Tourner à droite en sortant de la baie. Nous voici en route vers l'inconnu. Au revoir la Méditerranée.



Nous longeons le détroit côté espagnol ainsi qu'il est fortement conseillé pour obtenir le meilleur des courants. Voir s'éloigner le rocher est une satisfaction sans nom.

Trop peu de vent et nous avons recours au moteur. Nous traversons deux zone de hauts fonds qui transforment la surface en une belle bouilloire. A la sortie du détroit, nous apercevons un sous-marin. Masse noire qui effleure la surface. Impressionnant.

 Photos prises par Annick sur Errance


En fin d'après-midi, nous traversons le rail des cargos puis passons le cap d'Espartel. Voilà, nous sommes enfin sur l'océan.

Première nuit : retour des quarts.

Photo prise par Annick sur Errance


Vers une heure, le pilote automatique rend l'âme. LA GROSSE TUILE. Fini le confort, il faut barrer donc dans le cockpit, les yeux rivés sur le compas. Le tout avec une mer hachée, houleuse et toujours le trop peu de vent qui nous permettrai de bien caler Georges notre régulateur d'allure. Imaginez votre voiture n'ait plus de direction assistée. Vous vous retrouvez cramponné au volant ; ajoutez les rafales de vent et un bitume accidenté...

Bref !

 

Vendredi 24 janvier.

Notre première nuit fut assez rude et à  l'idée que les quatre prochaines nuits soient du même acabit...

Sauvés par Georges - grande vénération - il accepte de piloter avec un souffle de vent et moteur tournant. Il est 18 h. Le soleil ne va pas tarder à nous offrir un magnifique coucher. Hier soir, le spectacle était grandiose. Une fois le disque disparu, l'horizon dans son ensemble s'est embrasé. Ce soir, quelques nuages viendront créer une nouvelle toile.

La houle s'est aplatie pour le moment. Tout va bien à bord. Par VHF, nous communiquons à l'envie avec Errance qui est, la plupart du temps,  à vue. C'est très sympa.

Que va nous réserver la nuit prochaine ?

Samedi 25 janvier 1 h 30. Après une pose salvatrice de deux heures, le moteur est remit en marche. Toujours trop peu de vent. Il y a de la houle mais c'est acceptable. Il fait moins froid que la nuit précédente, le ciel exhibe ses étoiles, c'est superbe. Il n'y a que les feux de route d'Errance, au loin, qui nous rappellent que nous ne sommes pas seuls. Le quart de 1 h à 3 h est (avec celui de 3 à 5) le plus compliqué à gérer. Il faut remettre ses circuits en connexion et cela demande quelques bonnes minutes.



6 h 05 . Le soleil ne va pas tarder à se montrer. Il semble y avoir quelques nuages. Toujours cruellement un manque de vent et c'est toujours "risée Bêta". La houle se fait sentir mais assez discrètement.

RAS Pour cette nuit.

Le thé est délicieux. Il est notre boisson privilégiée en navigation. Nous abandonnons le café trop lourd à digérer. Généralement, nous l'accompagnons de quelques tranches de pain d'épices légèrement beurré. Depuis le départ, nous privilégions des prises de nourriture par petite quantité plutôt que de véritables repas. Ce système fonctionne très bien et est en concordance avec notre sommeil morcelé.

Le feu de route d'Errance se rapproche. Ils ont réduit leur allure pour que nous puissions rester en contact visuel et VHF. Sympa. Leur dernier appel était à 1 h 10 et tout allait bien.


 Errance

21. H prise de quart.

La journée fut grisailleuse mais claire. Point de soleil.

Durant une long moment, nous avons perdu Errance. A notre. Tour, nous l'avons attendu. Ce soir, ils sont derrière nous et, qui sait, demain devant. Leur 13 m est normalement plus rapide mais c'est un quilllard et nous un dériveur et tellement de facteurs entrent en jeu comme la gestion du vent, de l'état de la mer, du choix des voiles.... Grandes stratégies !  Nous ne sommes pas en course et la règle d' or est de protéger Adélie. Peu importe le temps que nous mettrons pour arriver au port.

Depuis midi, nous avons eu la joie d'éteindre le moteur. Enfin, nous sommes sur un voilier. La houle est montée crescendo (reliquat de la dépression sur Madère). Ce soir, elle frisotte au sommet des crêtes. Il faut absolument faire très attention lors de tout déplacement et s'accrocher aux branches sous peine d'un pépin. Malgré tout, pas mal de bleus nous  pareront très certainement. Toute faute d'inattention se paie cash.

Cet après-midi, le génois à surpatter et ça a été sportif de le décoincer. Le tout avec une houle avoisinant parfois les 4 mètres.

Le vent est nettement Moins froid. Serions-nous vers le Sud ?

Une chose est sûre, nous allons gigoter cette nuit !

Au dernier appel VHF, L' équipage d'Errance se porte bien ; y compris Manille le chat.

Nous sommes entre 5 et 7 nœuds. Sympa.

Paradoxalement, nous captons des radios françaises parfaitement alors qu'à Gibraltar, c'était galère ( la faute aux anglais à coup sûr).

Dimanche 26 janvier - 6 h 57. Nuit cauchemardesque en raison des vents qui s'amusent à n'en faire qu'à leur tête, d'un empannage de la grand voile et d'une bonne couche de fatigue.

Errance nous devance à 3 milles et nous allons sans doute nous perdre (de vue c'est déjà fait) reste la VHF...

La journée fut au diapason de la nuit. À oublier ! Compliqué.

Georges a fait des siennes refusant de garder le cap en raison des conditions météo lamentables ; heureusement, il a fait soleil.

Dans la soirée, un tangon s'est tordu sous une rafale ! Impressionnant.

Nous avons récupéré le visuel avec Errance ainsi que les contacts VHF. C'est chouette. L'écart entre nous a diminué.

 

Lundi 27 janvier - 2 h 04

Moins de rafales et Georges fait son boulot. Personne en mer à part une minuscule lumière à l'horizon. C'est Errance. Ce point lumineux est comme une douceur gourmande sur l'océan. C'est bon. Parce que si les marins sont des solitaires (pour la plupart) et très indépendants, il n'en est pas moins vrai que de véritables liens s'établissent lorsque le courant passe.

Nous approchons doucement des côtes.

6 h 15. Ha la gite ha la gite (ça ferait un bon titre de chanson !)

Nous sommes ballottés ou grandement bercés. RAS cette nuit.

Nous avons perdu le contact avec Errance.

C'est grandiose de réussir à ne pas renverser son bol dans ces conditions. Au menu ce matin : 3 tranches de pain d'épices et une pellicule de beurre. Excellent. Une cigarette pour finir (quoi ? !) - la tête hors du carré histoire de ne pas polluer (on sait vivre !) - et cette  nouvelle journée s'annonce sous les meilleurs hospices.o

10 h 35. Matinée surf ! Vent arrière. Ça secoue un peu mais les vagues sont magnifiques. L'océan est gris ardoise orné d'écume. Un vrai spectacle. Adélie se comporte parfaitement. Il fait doux et le soleil égaie les nuages. Il fallait bien un petit carton pour donner un peu de piment à la balade.

Journée passée à s'occuper de Georges ! Pas moyen de maintenir un cap précis. Mais bon. Grisaille, houle constante de modérée à forte. Pas vraiment moyen de se poser. Adélie réclame une attention de tous les instants.

1 h 35. Ça chahute ! Appel VHF d'Errance. Nous nous rapprochons mais sommes encore trop loin d'eux. Pour communiquer. Nous voyons leur feu de route mais minuscule à l'horizon. Il disparaît aux creux des vagues.

Dehors, c'est le carton, nous finissons en surf.

 

Mardi 28 janvier

Nous sommes protégés par l'île de Lanzarote mais des rafales continuent de nous "énerver". Nous barrons et nous éclatons.

L'arrivée sur Puerto Calero est tranquille.

 

Petite synthèse :

Temps : 5 jours de navigation.

Casse : le pilote automatique, un tangon, deux manilles desserrées.

Mille : 627

Vitesse moyenne : 5,25 Knts

Ressenti : sensation fantastique que d'affronter enfin l'Atlantique.

 


Arrivée mardi 28 janvier à 15 ha. Nous tombons la veste, la salopette de quart ainsi que les trois couches de vêtements en dessous pour des tenues légères. Il fait + de 25 ° et grand soleil. Choc thermique plus qu'agréable...

Nos copains d'Errance sont sur le même ponton que nous et nous allons fêter notre arrivée ensemble ce soir.

 

Maintenant, il y a "LE GRAND PASSAGE" qui nous attend mais patience... Et c'est une autre histoire.

 

Premier matin à Puerto Calero


 

Puerto Calero est une halte très agréable et reposante avant d'aller à nouveau affronter l'océan. Nous prenons grand plaisir à utiliser les services de la marina et à nous balader sur le quai d'honneur.

Errance et Adélie sont sur le même ponton. Tout va très bien.



Un peu de topograhie :

« Lanzarote, si l'on excepte l’îlot inhabité de Roque del Este, est lîle la plus orientale de l’archipel des îles Canaries situé dans l'océan Atlantique, au large des côtes africaines. L'île se trouve à 1 000 kilomètres de l'Espagne continentale au nord-est et à 140 kilomètres des côtes marocaines au sud-est. Les îles de Fuerteventura et de Los Lobos se trouvent au sud-ouest tandis que celles d'Alegranza, de La Graciosa, de Montana Clara, de Roque del Este et de Roque del Oeste se trouvent au nord-est.
D'une superficie de 845,94 km2, l'île culmine à 670 mètres d'altitude aux Penas del Chache. D'origine volcanique, une grande partie des roches en surface sont récentes d'un point de vue géologique en raison de la grande activité de ses volcans au début du XVIIIe siècle. Le  tunnel de l’Atlantide qui se trouve non loin des côtes de Lanzarote est le tunnel de lave sous-marin le plus long du monde. L'île, dont le parc national de Timanfava, constitue une réserve de biosphère de  l’Unesco.
L'île mesure environ 60 km de long (axe Nord-Sud) pour 25 km de large (axe Est-Ouest). La côte s'étire sur 213 km pour la plupart rocheuse mais comptant 26 km de plage.

D’étymologie :

 

Le nom de l'île viendrait du marin génois Lancelot Maloisel qui visita l'île au XIVe siècle : l'île est en effet qualifiée de Insula de Lanzarotus Marocelus dans le portulan d'Angelino Dulcert (1339). Selon le philologue Ignacio Reyes, le nom pourrait venir de l'appellation en astillan ancien (et aussi en portugais) des tabaibas (Euphorbia balsamifera) ou Dolatelac (nom amazighe de l'île d'après une bulle papale de l'année 1431).

Les premiers habitants :

Lanzarote est habitée depuis au moins deux millénaires. Connus sous le nom de mahos ou mahoreros, les habitants de l'île feraient partie des peuples guanches. L’origine de ces peuples serait amazighe (ou berbères) Quelques similitudes ont été repérées entre leur langue et le berbère touareg, ce qui a soulevé l’hypothèse de vagues migratoires berbères successives depuis l'Afrique du Nord. En se fondant sur un toponyme géographique touareg d’Algérie centrale, des chercheurs affirment que le nom originel de Lanzarote, Tyterogaka, signifie « La Brûlée » et d'après Ignacio Reyes « la toute jaune.
Les recherches ont déterminé que l'organisation sociale était adaptée aux conditions de l'île, pauvre en ressources. La hiérarchie était patriarcale et héréditaire, exercée par des rois ou menceyes qui étaient élus par les nobles. Leur justice, qui était extrêmement dure selon les premiers visiteurs européens, s'administrait sur la place publique ou tagoror.
Les anciens Mahoreros vivaient d’élevage, de quoquillage du bord de mer, de la collecte de fruits et possédaient une agriculture très limitée. Ils ne connaissaient pas les métaux et avaient perdu les connaissances concernant la navigation océanique. Ils vivaient dans des grottes ou des huttes de pierre semi-enterrées, les casas hondas, se couvraient de peaux de chèvres non tannées et s'alimentaient de gofio, de viande de chèvre et de poisson. Presque toutes les chroniques parlent de leur caractère paisible et hospitalier et de leur goût pour la  musique et la danse.
Les descriptions que firent les premiers européens qui visitèrent l'île pendant le Moyen Age tardif parlent d'« hommes de race blanche, grands, musclés, de grande beauté, et beaucoup d'entre eux étaient blonds… ». Ces descriptions offraient une vision plutôt idéalisée. Les informations disponibles sur les aborigènes de l'île sont indirectes et peu fiables. La source documentaire la plus importante est Le canarien, récit écrit par les chapelains domestiques des Francs normands Jean de Béthencourt et Gadifer de la Salle pendant l'invasion de l'île en 1402. Bien qu'il existe certaines inscriptions aborigènes en écriture lybico-berbères ou tifinagh, celles-ci n'ont pas pu être traduites.

L'éruption de Timanfaya :

« Le 1er septembre 1730, , entre les neuf heures et les dix heures du soir, la terre s'ouvrit à Timanfaya, à deux ligues de Yaiza… et une énorme montagne s'éleva du sein de la terre », selon le témoignage du curé Lorenzo Curbelo. L'île se transforma entièrement. Dix villages furent enterrés (Tingafa, Montaña Blanca, Maretas, Santa Catalina, Jaretas, San Juan, Peña de Palmas, Testeina et Rodeos) et pendant six ans la lave s'étendit au sud, couvrant un quart de l'île et recouvrant les plaines alentour de cendres volcaniques.
En 1824, les eruptions reprirent à Timanfaya. S'ensuivirent de terribles famines, et une bonne partie de la population se vit obligée d’émigrer. Depuis, le paysage s'est transformé grâce aux techniques agricoles de culture sur lapillis volcaniques que les conejeros utilisent pour retenir l'humidité des alizés. Le parc national de Timanfava offre un bel aperçu des vestiges de l'éruption. »
Sources Wikipédia.